Encore un peu sur l'éducation

Publié le par Ingrid-Hélène

J'ai reçu récemment le lien suivant  http://www.soseducation.com/greve27septembre/. Il s'agit d'une vidéo qui incite à signer une pétition (on ne s'apperçoit d'ailleurs qu'à la fin de la vidéo qu'il s'agit de cela, la pétition ne paraît pas tout de suite, je n'aime pas trop la manoeuvre). Le texte d'accompagnement était le suivant :

 

Objet : Faire face aux syndicats...

 

Madame, Monsieur,

Voici une des vidéos les plus choquantes qui circule sur Internet.

Elle contient des révélations incroyables sur ce qui se passe

aujourd'hui à l'Education nationale.

Merci de la transférer au plus vite à tout votre carnet d'adresses.

Cordialement,

Eric Galland

Responsable des relations parents-professeurs

SOS Education

01 45 81 93 20

 

Normalement quand je lis ça je jette, je préfère quand les propos sont un peu plus pondérés, ça sentait un peu la vidéo haineuse et populiste au pire sens du terme. Et le terme de choquant me faisait me demander si les syndicats brutalisaient les professeurs ou s'il y avait des dessous de tables.

 

L'amie qui m'a transmis le message avouait ne pas avoir vérifié ses sources et me demandais si j'avais une idée. Il suffit qu'on me demande cela pour que ma curiosité s'attise. J'ai donc regardé la vidéo. Je ne signerai pas la pétition. Je vais reprendre ce que j'ai conclu après de visionnage de ce qui est plus un diaporama avec lecture à haute voix par dessus qu'une video choc. Le poids des mots peut-être, le choc des images pas vraiment. Même les âmes les plus sensibles pourront la regarder sans risque d'évanouissement ni de traumatisme.

 

SOS Education

 

Bien que cela manque de scènes de violence et de caricatures de syndicaliste avec un couteau entre les dents, j'ai trouvé le ton général très démagogique. De plus, la vidéo incite à signer la pétition, mais il n'y a pas de présentation de ceux qui en sont à l'initiative, à part qu'il s'agit d'une initiative apolotique et peut-être aussi laïque (je ne me souviens pas, et il n'y a pas de curseur de temps pour pouvoir réécouter à partir d'un point donné - pas le courage de me refaire la totale pour chaque doute que j'ai). En utilisant l'URL je vais quand même en vitesse sur le site de SOS Education, où je trouve au final peu d'informations. Heureusement il y a Google qui me permet de trouver une analyse fleuve sur cette association (en 5 billets!). Dans le deuxième épisode de cette analyse, j'ai trouvé l'information suivante :

 

"Fondée en novembre 2001, SOS-Education représente l'aile libérale de l'antipédagogisme. A ce propos, chacun ayant donné plus ou moins récemment sa définition de ce néologisme indispensable au débat éducatif, j'y vais de la mienne, qui est délibérément... enfin, à vous de voir.

Antipédagogisme : système idéologique étonnant, né en France au début des années 1980, aussi radical que transversal et permettant, à travers la contestation virulente de la politique éducative, de se poser très avantageusement en héros de la lutte contre la barbarie sans jamais affronter de barbares et sans avoir à renier aucun de ses engagements antérieurs, actuels ou futurs sur l'ensemble du spectre politique.

Il était donc fatal que l'antipédagogisme ait sa déclinaison libérale."

 

Apparemment l'association est plutôt proche de l'aile droite de l'UMP, et des auditeurs de Radio Courtoisie. Un peu réactionnaire, à mon goût personnel. Un nom apparaît aussi dans le texte, qui m'a fait gentillement et nostalgiquement sourire : celle de Philippe Nemo, qui a été mon professeur à l'ESCP. Intelligent (même si je n'étais pas toujours d'accord avec ses interprétations), très cultivé (ce qui ne l'a pas empêché d'affirmer que le système éducatif suédois était entièrement privé, et de persister quand je lui ai fait remarquer que certaines écoles étaient communales), avec des bonnes qualités de communication écrite et orale. Un professeur dont je ne souviens bien.

 

"Dans la liste des membres du conseil scientifique de cet institut figure - c'est là où je voulais en venir - un nom cher à SOS-Education: celui de Philippe Nemo.

Non que cet intellectuel libéral, ex-«nouveau philosophe», en soit le créateur. Mais il en est l'ami et la «référence assumée», selon, l'expression d'un responsable de l'association. Grand spécialiste français de Friedrich Hayek, auteur notamment de «Pourquoi ont-ils tué Jules Ferry» (1991) et «Le Chaos pédagogique» (1993), maître de conférences à HEC, enseignant à l'ESCP-EAP (Sup de Co Paris), Philippe Nemo fait partie de ceux qui pensent que l'effondrement du système éducatif français prend sa source «collectiviste» au plan Langevin-Wallon de 1947.

Sur le site de l'association, il ne faut pas chercher longtemps pour trouver son manifeste «Pour le pluralisme scolaire». Philippe Nemo y propose de rompre avec un système «soviétiforme»: il préconise «que la collectivité finance l'enseignement», en fonction d'un «cahier des charges national», mais «que la prestation d'enseignement soit asssurée par des écoles indépendantes». "

 

Les méchants syndicats

 

Voila pour le profi de l'association, revenons en à mes réactions suite à la video, avant que je ne devienne vraiment trop bavarde. Je ne me sens pas forcément proche de ce qui est dit sur la video, néanmoins, ils se basent sur des chiffres réels (je ne suis pas allée vérifier mais je ne vois pas de raison réelle d'en douter). Les remarques qui suivent ne sont pas toutes documentées et concernent surtout mon opinion personnelle.

  • Les syndicats de l'Education nationale défendent les fonctionnaires de l'Education nationale pas nos enfants, ni même la qualité de l'Education en tant que telle (même si on peut se dire que des professeurs travaillant dans de bonnes conditions dispenseront un enseignement de meilleure qualité.  Si on écoute la presse, on a l'impression que le malaise des professeurs augmente, on peut donc se demander s'ils sont si efficaces que cela. Mon expérience des syndicats du secteur public en France est qu'ils arriventà être contre-productifs, au moins vis-à-vis de ceux qui ne sont pas militants. Malgré cela je suis totalement pour le syndicalisme, d'autant que certains pays (la Suède par exemple) montre qu'un dialogue paritaire peut aboutir dans de bonnes conditions.
  • L'éducation nationale, l'enseignement supérieur, et même l'hôpital ont trop de personnel administratif, et je pense que la plupart des services de l'Etat ont besoin d'une restructuration de fond sur ce sujet. A mon avis on aurait quelques économies possibles. C'est d'une réforme de fond dont je parle, qui se prépare sur plusieurs années, avec les syndicats, pas d'une réforme d'annonce en prévision d'une élection à venir, juste pour dire qu'on a fait quelque chose. Certaines problématiques sont assez graves pour qu'on prenne le temps d'y réfléchir en profondeur.
  • Je me demande si le nombre de personnel enseignant évoqué dans la vidéo est en tête de pipe ou en équivalent temps plein. J'imagine que ça peut faire une différence (quand je vois le nombre d'institutrices à temps partiel dans l'école de mon fils). Les chiffres de l'INSEE sont une chose, la réalité reste ce qu'elle est. Les classes ne font pas 14 élèves. Parce que si les prof doivent préparer leur cours, corriger les copies, etc. cela fait plus que doubler le nombre d'heures de travail. Si on considère un temps plein à 36h, cela fait maximum 18h de cours (dans la réalité je ne suis pas sûre que les enseignants du secondaires fassent autant d'heures). Si je prends un raisonnement très simple (mais peut-être fallacieux), au niveau collège/lycée les enfants ayant environ 36 heures de cours par semaine (???), cela nécessite une moyenne d'au moins deux professeurs par classe... soit au minimum 28 élèves par classe. On ajoute à cela d'autres variables (classes difficiles avec moins d'élèves, arrêts maladies, etc.), on doit finir par arriver à des chiffres proches de la réalité, sans qu'il y ait de scandale caché derrière.
    Reste le mystère de la raison qui fait que les professeurs agrégés travaillent un moins grand nombre d'heures, et pour un salaire meilleur, que ceux qui ont le CAPES... Ont-ils besoin de plus de temps pour préparer leurs cours?
  • Toujours au sujet du nombre de professeurs, la France est le pays de l'OCDE qui en a le moins par élève http://www.lemonde.fr/education/article/2011/02/14/la-france-derniere-de-l-ocde-pour-l-encadrement-des-eleves_1480128_1473685.html
  • La vidéo affirme que les expérimentations pédagogiques ont souvent été catastrophiques, et que c'est la faute des syndicats. Selon moi, parmi les réformes successives de l'éducation, il y a eu largement trop d'échecs et d'erreurs, mais ces réformes et ces erreurs sont autant le fait des différents ministres qui ne voulaient pas quitter leur poste sans avoir mis leur nom sur une loi ou une réforme que des syndicats. Le texte stigmatise trop les syndicats (malgré ce que j'ai dis plus haut) à mon avis.
  • Je ne suis pas sûre que retourner à l'école de la 3e république comme la vidéo semble le proposer soit une solution adaptée aux réalités de notre époque. Les défis d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes. Ensuite, d'après ce qui a été dis plus haut sur l'association, il semblerait que ce côté réactionnaire fasse partie de leur identité. D'ailleurs, les photos d'enfants choisies (une peau pas trop mate, notamment) ne semblent pas réfléter non plus la réalité de notre époque et sa diversité.
    Néanmoins, je pense aussi qu'il y a un problème de respect des élèves envers leurs professeurs. Certaines attitudes actuelles ne sont pas acceptables. D'un autre côté les parents non plus ne respectent plus les professeurs. Je ne sais pas vraiment comment sortir de cette situation, je ne crois pas aux châtiments corporels et suis plus que dubitative sur l'exclusion définitive.

Après toutes ces réflexions, je me rends compte que je n'ai pas la solution pour que la France dépasse la Finlande dans les classements OCDE... je ne vais pas candidater comme ministre de l'Education nationale. Et je ne vais pas signer la pétition...


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C
<br /> « On était prêt à débattre du changement du statut, d'inclure d'autres modalités dans notre service mais à condition que cela se traduise en diminution du service face aux élèves. Là, on a bien<br /> compris que c'est en plus. »<br /> <br /> Patrick Gonthier<br /> Secrétaire général de l'UNSA éducation, en réaction à la proposition de l'UMP de réformer le service des enseignants.<br /> <br /> Plus de modalités mais moins d'enseignement??<br /> <br /> <br />
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